Morgane Ortin, les mots d’une génération

L’amour moderne est raconté avec des textos, des rencontres mais surtout grâce à une description méticuleuse des émotions ressenties par la narratrice.

Une génération biberonnée aux jolis comptes sur Tumblr et aux déclarations d’amour et de douleur tonitruantes, mais une génération qui a surtout su renouveler le langage romantique et l’adapter à nos écrans. Ainsi, depuis son compte Instagram “Amours solitaires” : Morgane a rendu les lettres de noblesse de ces amours 2.0 et a prouvé à toutes et tous que nos chagrins et nos échanges avaient aussi beaucoup de beauté qui méritaient de vivre ailleurs que dans les méandres de nos téléphones. 

Les messages postés m’ont longtemps bouleversée, j’étais devenue légèrement aigrie de ne pas être la destinataire de telles preuves d’affection et d’amitié, moi qui pouvais me lancer dans de longues proses pour peu, je devenais contrainte de les lire à travers les histoires des autres.  Alors quand la poétesse d’Internet a converti ces amours déçus en une voire plusieurs histoires, j’étais sincèrement impatiente de voir comment elle allait faire pour tracer une ligne directrice entre l’ensemble des messages qu’elle avait précieusement conservés, et quelle forme elle allait leur donner. 

En 2018 puis en 2019 et enfin en 2025, elle a en effet publié des histoires qui se suivent et qui dessinent joliment deux narrateurs amoureux et perdus. On suit précautionneusement l’évolution de leur histoire d’amour, de leurs ruptures et retrouvailles (ou non) : des relations qui ont même réussi à enthousiasmer France Tv Slash et Arte jusqu’à ce qu’aboutisse l’adoption en série de ces histoires.  

Son dernier ouvrage que j’ai acheté presque le jour même de sa sortie, m’a fait beaucoup de bien car il parle de la solitude d’après LA grande rupture. Morgane raconte comment une jeune femme ayant la trentaine se retrouve célibataire après une relation de six ans, se reconstruit et crée ses propres rituels toute seule ou presque. Cette fois-ci, on plonge dans ses blessures secrètes, on lit les nombreuses descriptions de ses souffrances et de sa léthargie et on pleure avec elle sur nos chagrins perdus.

Lire un récit d’une femme qui tente de se retrouver en elle-même après avoir énormément donné dans ses précédentes relations m’apaise beaucoup, car ça prouve qu’écrire sur la solitude est porteur. Qu’on traverse toutes les mêmes réflexions et les mêmes passages de vie, et que l’acte de se sauver soi-même et se protéger soi-même est une preuve ultime de maturité.

La force de Morgane Ortin pour moi réside dans son goût pour l’écriture dans toutes ses dimensions : l’écriture pour expier sa tristesse ou son amertume, l’écriture pour se déclarer à autrui, l’écriture pour délivrer des messages et se décharger de quelques poids. Avoir lu son dernier livre m’aura réconcilié avec la beauté des échanges et du temps qu’on prend en connaissant quelqu’un, merci pour cela.



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