Nicolas Demorand nous emmène visiter son intérieur nuit
“Intérieur nuit”
éditions les Arènes, 18 euros.
Impossible d’avoir raté la parution de son dernier livre tant les médias et les personnalités en ont parlé sur toutes les plateformes et supports disponibles. À renfort de nombreux adjectifs élogieux et de compliments tant sur l’homme que sur son sujet d’écriture à savoir sa bipolarité qu’il a décidé d’assumer et de dévoiler au grand public, son récit était partout.
A-t-on déjà lu autant d’articles sur la bipolarité ? Certainement pas.
Etait-il pour autant la première personnalité à se confier sur cette maladie qui l’accompagne quotidiennement ? Non et loin de là.
Mais plus que le fond de son livre, ce qui a véritablement imprimé dans l’esprit des gens était d’où la parole venait et surtout la comment elle a été transmise. En effet le fait que l’un des journalistes les plus reconnus de France dévoilait sa maladie mentale en direct de la matinale radiophonique la plus écoutée du pays a contribué à faire de cette annonce un événement national en prime time.
Ne me prétendant nullement experte en santé mentale et en analyse des troubles psychiatriques propres à chacun, j’ai toutefois beaucoup aimé lire un livre où les effets de la dépression et de ses terribles phases étaient jetés comme un pavé dans la marre à la tronche des lecteurs. Le journaliste décrit en longueur les allers-retours entre phases hyper-maniaques et dépressives qui forme le quotidien des personnes bipolaires tout en ne cherchant ni pitié ni larmoiement populaire.
“Intérieur nuit” propose de s’intéresser à la manière dont la psychiatrie en France se met en branle difficilement pour arriver à poser les différents diagnostics auprès des patients en souffrance, mais surtout combien ce diagnostic est parfois attendu pendant de longues périodes par ces mêmes personnes. La voix de Demorand et son ton permettent d’être plongé dans une souffrance grise, tout en restant dans un cadre tout de même protecteur et choyé, bien éloigné des situations catastrophiques et précaires que les personnes bipolaires connaissent mieux.
Nicolas Demorand remet le sujet essentiel d’évoquer l’état de la psychiatrie en France sans vraiment entrer dans une observation politique et militante, il effleure du doigt le pourquoi du comment sans oser s’attaquer aux problèmes structurels causant ces déséquilibres et ces manques criants. Le livre est donc à offrir autour de vous pour amorcer des conversations, mais ne vous apportera pas de solutions ni de remèdes miracles, c’est l’un des témoignages phares mais sûrement pas le plus représentatif des maladies mentales en 2025.
Si vous souhaitez politiser davantage la question de la santé mentale et de ce que cette notion implique, lisez Claire Touzard et son dernier ouvrage où la bipolarité est traitée dans toute sa radicalité politique. Ce type d’ouvrage doit venir étoffer les réflexions politiques sur ce qui est “normal” de ce qui est considéré comme “hors de la norme” : promis, tout le monde en bénéficiera au final. Car s’il faut le rappeler, tout le monde mérite de trouver un diagnostic adéquat à comment sa santé mentale l’atteint peu importe son statut social, son genre, sa race ou son orientation sexuelle.