Mon histoire impromptue avec un député.

Tout commence par un train depuis Lille pour Paris, afin d’aller postuler pour un stage à venir dans un média important. Le trajet réservé à la dernière minute m’oblige à m’installer en première classe dans la partie réservée aux travailleurs ultra-connectés ayant tous des impératifs urgents à accomplir. Mal installée, en transpiration, je ne prête pas attention aux personnes qui rejoignent mon carré, pour sortir mes essentiels de voyage : chargeur, bouteille d’eau gazeuse et écouteurs.

Une fois que le train était parti, je me suis enfin intéressée aux personnes que je devrais dévisager pendant une heure, et quelle ne fût pas ma surprise lorsque j’ai reconnu en face de moi, un député de gauche actuellement en activité et plongé dans son dossier contenu maladroitement par une agrafe proche du craquage.

Je ne vais pas mentir, pendant une heure mon esprit s’est livré à un duel sans merci entre mon côté ange et mon côté démon. Il y avait d’une part : déranger ce député dans sa seule heure de tranquillité pour demander son contact, et d’autre part : m’éviter une probable humiliation et me taire maintenant et à jamais. Ce qui est pratique avec le voyage Lille-Paris est que ça file vite, ainsi je n’ai pas eu à tergiverser trop longtemps et me suis lancée en arrivant en Gare du Nord, expliquant que j’étais une jeune étudiante et que j’aimerais pouvoir suivre son actualité et ses engagements. Ce qui était vrai par ailleurs même si ce n’était pas nécessairement ma seule motivation comme vous vous en doutez jusqu’ici.

Après m’avoir transmis son numéro de téléphone, nos deux chemins se sont éloignés dans le flot ininterrompu de descente de train vers l’arborescence parisienne. Moi qui ne m’attendait à rien de la part de la SNCF, voilà qu’elle m’avait indirectement mise en relation avec un décideur politique français.

Les jours suivants, nous avons beaucoup échangé lui et moi, lui qui se rendait étonnamment disponible pour répondre à mes messages et qui moi qui prétendais que rien de particulier n’était en train de se tramer. L’histoire ressemble beaucoup à un mauvais téléfilm diffusé sur TF1, mais la banalité du mâle m’oblige à rester transparente, les députés sont semblables à leurs compatriotes quand il s’agit de draguer, de séduire voire d’entretenir une relation ambiguë avec une femme.

Après des échanges aussi intenses que pathétiques en les relisant, nous avons convenus d’une date, une autre date où j’étais miraculeusement à Paris tout comme lui. Cette soirée là, je buvais un coup avec une amie en échangeant évidemment sur mon date du soir et sur l’incongruité de la situation : copines, apéro et potins, cocktail idéal pour tout le monde. Après toutes ces réjouissances, Monsieur le député m’envoyait un transport de star que vous devez sûrement avoir en tête : le van Mercedes noir aux fenêtres teintées, et je traversais la capitale la tête en désordre.

Par pudeur ainsi que pour respecter nos intimités respectives, je ne dévoilerai rien de cette nuit douce et bienveillante que nous partagions, mais je me contenterais d’affirmer que pouvoir et responsabilité n’impliquent pas forcément la moralité à tout point de vue.