Explorer le deuil et la guérison avec Rebeka Warrior
Rarement un premier livre arrive à décortiquer l’intimité et l’humanité avec une telle aisance et une telle douceur, et pourtant Rebeka Warrior accomplit l’impossible avec la sortie de “Toutes les vies” aux éditions Stock.
Vous connaissiez sûrement sa silhouette : grande, élancée, crâne rasé et regard direct, vous connaissiez probablement son nom et sa carrière comme DJ dans plusieurs groupes comme Kompromat et Sexy Sushi, vous connaîtrez maintenant sa plume tranchante et sa vie intime torturée mais aussi lumineuse.
Je connaissais de très loin cette artiste et femme absolument incomparable, ne l’ayant retrouvé que récemment durant un épisode de Drag Race France cet été, et pourtant je n’ai pas lâché son récit de tout l’été. Dans un style que j’adore, l’autofiction, Rebeka nous fait vivre à ses côtés la perte de sa compagne de huit années Pauline, atteinte d’un cancer très agressif. Une épreuve dont elle note frénétiquement les aléas, les moments charnières, mais aussi ses torts à elle et ses propres souffrances portées en bagages bien que cachées lors du combat de Pauline contre la maladie.
Ce livre est un coup de poing tant il révèle des vérités trop souvent tues dans ce genre de non-sens que lance la vie, et l’on assiste sans trop oser vouloir tourner les pages à l’irrémédiable ; mais aussi à ce qui survient une fois qu’un proche nous quitte. Un roman sur la maladie et la perte restant difficile à lire lorsque l’on est soi-même en plein dedans, ce livre prouve toutefois que l’humain est capable de relever la tête et revenir à la vie petit à petit. Rebeka Warrior ici ne se prétend pas être héroine, d’ailleurs elle révèle ses propres torts avec beaucoup de sincérité, mais montre un chemin qu’elle a traversé pour se réinscrire dans la vie après avoir côtoyé intimement la mort et son odeur.
Mais puisque l’intime s’écrit dans la politique que l’on en ait conscience ou non, ce livre explore avec justesse les thématiques de la foi, des violences rencontrées dans nos communautés et au sein de relations amoureuses, il secoue beaucoup de sujets trop peu parcouru dans notre vaste littérature francophone tout en restant à la première personne du singulier. Ce “je” nous présente un miroir qui brille en chacun de nous, nous rappelle des moments précis ou des personnes qui nous ont touché d’une manière ou d’une autre à des moments durs de nos chemins, et simplement pour cela, il faut remercier son autrice.
Comme Rebeka, ce livre m’a donné envie de me tatouer un mot, une phrase, une expression pour me rappeler que je peux survivre et guérir, peu importe ce que la vie mettra sur mon chemin, et que l’écriture soigne beaucoup plus que ce que la société l’admet.