La nuit au coeur, ode à nos disparues

La nuit au coeur, ouvrage de Nathacha Appanah, a remporté en novembre 2025 le prix Goncourt des lycéens, montrant de fait que les violences conjugales interpellent et touchent ostensiblement la jeunesse française.

Cet ouvrage est non-définissable. À la fois un témoignage sans floritures de la violence patriarcale à son plus haut niveau mais également un cri du coeur personnel déchirant de son autrice, à vous de vous forger votre propre avis.

Ce livre a cependant fait couler beaucoup d’encre et a entraîné d’énormes débats au sein des critiques littéraires parisiens de ce pays. Notamment au sein de l’institution que représente toujours 70 ans après sa création Le Masque et la Plume, qui ont longuement critiqué le travail de Nathacha Appanah, comme s’ils ne voyaient que la forme de l’écriture sans être frappés par l’intensité du fond.

La nuit au coeur revient sur deux féminicides récents de manière humaine, sensible et rigoureuse en faisant l’effort de passer au-delà même du fait divers ; telle est la démarche salutaire et thérapeutique de l’autrice. À travers son écriture, tout lecteur a l’impression de véritablement faire connaissance avec les victimes et ressentir à notre tour la terreur brute qu’elles ont vécues, et que l’autrice elle-même a expérimenté.

Elle documente scrupuleusement l’emprise qu’a pu exercer un homme bien plus âgé qu’elle dans sa jeunesse ainsi que dans sa construction personnelle. En se confiant de la sorte, elle se fait l’écho des concepts comme le contrôle coercitif ainsi que d’autres récits amenés dans l’espace public comme le témoignage de Judith Godrèche à l’encontre de Benoît Jacquot et Jacques Doillon.

Il est dur et douloureux de quitter ce livre car toutes les femmes ressentent à l’intérieur de leurs entrailles les émotions traduites que nous pouvons affronter durant nos vies respectives. Nous pouvons malheureusement que trop repenser à des situations personnelles face aux hommes, ou bien constater la perpétuation des histoires tragiques mais quotidiennes en France de fémincides. Le 28 novembre 2025, selon le décompte opéré par l’association nationale Nous Toutes, 156 femmes ont été tuées en raison de leur genre.

Ainsi, j’ai aimé l’écriture à la fois douce mais directe de Nathacha Appanah parce qu’elle a osé mélanger son expérience personnelle et douloureuse aux destins brisés d’autres femmes qui n’ont plus la possibilité de s’exprimer puisqu’elles ont été tuées par leurs compagnons. Elle a redonné à ces deux femmes une existence propre, en enquêtant sur elles comme un journaliste pourrait le faire, a été sur le terrain et s’est confrontée malgré sa propre histoire, aux dommages irréparables commis par les hommes violents.

Suivant
Suivant

Le rap français, un véritable Empire à déconstruire ?