Le rap français, un véritable Empire à déconstruire ?
Trois journalistes ont travaillé dans l’ombre pendant plusieurs années pour finir par accoucher d’un livre-enquête inattendu : “L’Empire : enquête au coeur du rap français” sorti le 29 octobre dernier.
Un livre méticuleux explorant en filigrane les relations puissantes et réelles entre l’industrie du rap et l’industrie du narcotrafic en France, le tout par l’intermédiaire de puissants labels et maisons de disques. Plusieurs gros noms d’artistes sont utilisés dans cette enquête comme Jul, SCH, Maes, PNL, Morad ou encore Gims et le défunt Werenoi afin d’illustrer à quel point le rap est devenu le terrain de jeu d’un ultra-capitalisme sans grandes limites ni règles respectées.
Si dans le cas de PNL et Gims, leur ascension ainsi que leur modèle de business et de développement est passé sous la loupe des journalistes Paul Deutschmann, Simon Piel, Joan Tilouine, dans le cas de Maes, Werenoi et SCH, on parle ici de criminalité organisée et de guerres de gangs. Le travail d’investigation dans ce livre creuse en profondeur sur les faits divers tragiques ayant touché ces artistes notamment SCH, et dévoile par exemple les circonstances plus précises dans lequel un proche du rappeur marseillais a perdu la vie le 26 août 2024.
Depuis la parution de l’ouvrage, les médias généralistes se sont empressés de faire réagir certains acteurs du rap francophone comme Soprano dans le Parisien, ou encore Frank Gastambide toujours dans le même média, les principaux concernés eux ne semblent pas s’être attardés dessus. À contrario, c’est une nouvelle fois sur X que les réactions des passionné.es de rap semblent se faire les plus véhémentes et claires.
Réaction de l’ex-producteur de Werenoi, directement cité dans l’ouvrage.
Réaction de Baloo, entrepreneur et animateur rap.
Réaction d’un auditeur et passionné de rap.
Réaction d’un des membres fondateurs de l’abcdr du son, média spécialiste sur le rap et pionnier depuis sa création en 2000.
Si ce livre publié aux éditions Flammarion a été à ce point relayé en masse malgré sa sortie rendue secrète, c’est parce que les auteurs ont enquête sur les plus gros vendeurs de disques de cette décennie 2020, tout en multipliant leurs sources et en ayant accès à un vaste panel de documents officiels de justice ou de contrats.
Mais toutefois, le portrait à charge sur une industrie musicale dominante reste incomplet sur des enjeux tout autant problématiques que le reste ; à savoir la perpétuation des violences sexistes et sexuelles ainsi que le racisme perpétué dans les espaces de décisions et de pouvoir. Il me semblait en effet nécessaire de pouvoir revenir sur les différentes accusations à l’encontre de gros rappeurs comme Nekfeu, Lomepal, Moha la Squale ou encore Naps lui-même est cité dans le livre à plusieurs reprises.
Comme le documente également le média Mosaïque ayant récemment publié un numéro spécial documentant un état des lieux de cette industrie exposée aux biais sexistes et racistes ; les critiques à faire aux acteurs et quelques actrices de ce genre musical doivent aussi être portées et améliorées sur les comportements individuels à chaque échelon de la hiérarchie.